En ce jour d'équinoxe d'automne, la Vieille était revenue s'assoir au pied du chêne, au flanc de la montagne. En contrebas, le clocher d'une église, à peine visible, indiquait la présence d'un village. La Vieille contemplait la couronne tressée de ses mains qui représentait l'abondance des fruits récoltés pendant l'année. Un sourire très doux s'esquissa sur ses lèvres tandis qu'elle appelait par leurs noms gnomes, elfes, farfadets et surtout ses amies les fées. Dans l'ère ultra matérialiste dans laquelle elle vivait, un observateur lambda l'aurait sans doute jugée comme folle ou simple d'esprit. En réalité, il n'en était rien. Bien au contraire. Elle faisait partie de ces rares êtres très conscients, encore connectés au sacré du vivant et à ses dimensions subtiles.
Entourée de ce petit monde vibrant elle commença par leur témoigner sa gratitude pour le travail qu'ils faisaient tout au long de l'année permettant à la nature de se régénérer et de prospérer. Ils se mirent à danser joyeusement autour d'elle tandis que les fées virevoltaient au-dessus de sa tête. La Vieille se joignit aussitôt à leur vivante sarabande avant de retomber au sol un peu essoufflée. Elle leur fit signe de s'assoir et leur offrit sa couronne d'automne en signe d'alliance renouvelée avec eux. Tout contents nombre d'entre la gent du petit peuple s'en alla en riant et en se disputant la couronne, tandis que les fées s'attardèrent à écouter les secrets que leur confiait la Vieille.
Le pas lent et lourd de la Vieille
laissait sur la neige immaculée l'empreinte de ses chaussures
éculées. Elle s'approcha du chêne qui tendait vers le ciel bas les
fractales de ses branches nues. Elle salua son esprit, le roi du
Chêne, en posant doucement la main sur son écorce rugueuse. Assise
sur un bout de tronc d'arbre elle se mit à l'écoute du silence en
ce jour du solstice d'hiver. Nulle présence subtile ne venait le
faire vibrer. Les fées et tous les esprits de la nature s'étaient
enfoncés profondément dans la matrice de la Terre Mère pour ce
temps de repos et de gestation. La Vieille soupira, le cœur gonflé
de tristesse. Elle savait pourtant que dans les entrailles
mystérieuses et sombres de la terre, des forces puissantes étaient
à l'œuvre pour préparer la renaissance printanière.
La
Vieille regagna le village à la nuit tombée et mit sur le feu une
soupe épaisse qui réchauffa bientôt son corps transi. Elle alluma
des bougies, célébrant le retour de la lumière. Confortablement
assise dans un fauteuil elle plongea tout au fond d'elle-même, à la
rencontre de cette infime étincelle de lumière naissante, la
guidant jusqu'au centre de son Cœur. Elle fit grandir cette
étincelle jusqu'à la naissance d'un enfant lumière, un petit
Jésus. Une très douce lumière dorée se diffusait autour de
l'enfant divin. Tandis que son cœur fondait de tendresse, la Vieille
senti comment la lumière dorée venait arroser chaque cellule de son
corps et le faire vibrer d'une énergie nouvelle. Un sourire lumineux
et très doux éclairait son visage ridé. A présent, elle diffusa
la lumière autour d'elle, distribuant sa chaleur bienfaitrice
partout où l'humanité en avait besoin. Elle pensait en particulier
à celles et ceux qui n'auraient personne avec qui célébrer la
naissance du divin enfant, les exclus, les rejetés … Elle resta à
veiller tard dans la nuit, poursuivant son invisible labeur avec une
infinie générosité.
Un témoin, mais pas n'importe lequel, aurait eu la surprise de
voir la Vieille entourée d'une aura dorée. Cette aura était
devenue sienne, mais seules de très rares personnes avaient assez
d'Amour dans leur cœur pour reconnaître l'Être solaire qu'elle était.
Surya Baudet
21.12.2025
