mercredi 22 décembre 2021

CONTE DE NOËL 2021

 


     Il était une fois un petit enfant nommé David qui vivait dans une grande et belle maison. La veille de Noël, au moment d’aller se coucher, il demande à sa nounou de lui raconter une histoire. Elle s’enquiert : «Que voudrait-tu devenir quand tu seras grand ?». «Un chevalier avec une épée et un bouclier.» répond David. La nounou, assise au bord du lit, lui prend la main et l’invite à fermer les yeux:

     Pour devenir un chevalier il s’agit d’abord de rencontrer un grand chevalier pour être initié. Viens David, allons demander au grand Chêne tout au fond du jardin s’il peut nous aider dans notre quête. Le petit garçon impressionné serre la main douce et chaude de sa nounou tandis qu’elle s’adresse au vieil arbre : «Grand Chêne majestueux, gardien des lieux, tu es Amour et Lumière ; nous te saluons et te bénissons. Saurais-tu nous dire où nous pouvons rencontrer un grand chevalier en cette nuit de Noël ?» D’un mouvement lent, une branche basse lui fait signe de s’approcher et de coller son oreille contre le tronc dur et rugueux pour écouter le murmure de l’arbre plein de sagesse.

     Après s’être inclinée et avoir remercié l’arbre sacré elle emmène David vers la forêt touffue. La main
délicate de l’enfant tremble un peu dans la sienne, «Il fait trop sombre, comment allons-nous trouver ce grand chevalier ?» Elle écoute le silence et scrute l’ombre épaisse. «Regarde David, un luciole là-bas ! Le vieux Chêne m’a murmuré de suivre la voie des lucioles.» «Oh oui !» répond l’enfant «Il y en a plein. C’est top !» Cheminant émerveillés, le cœur en paix et les sens ouverts aux dimensions subtiles, ils croisent le regard d’or de dame chouette chevêchette et perçoivent des mouvements furtifs ici et là. Soudain, un bruit de froissements de feuilles et de craquements de bois piétiné les arrête net dans leur progression, éteignant leur joyeuse expectative en même temps que la lueur des lucioles. Serré contre les jambe de sa protectrice, David voit passer des hommes gris, tout contractés, courant à toute vitesse et éclairant pendant quelques instants, de leurs lampes frontales, les bois où tout s’est figé. «Quelle mouche les as piqués ?», se demande la nounou tandis que l’enfant renchérit à voix basse, «Mais où donc courent-ils si vite ? Et on a perdu les lucioles...» Silence, noir absolu, temps suspendu …

     La nounou s’exclame, «Ça alors, on vient de me tirer les cheveux !». Un rire cristallin se fait entendre et ils aperçoivent devant leurs yeux ébahis une gracieuse fée vêtue de l’or des anges, riant de plus belle devant leurs mines ahuries. «Ce n’est pas une mouche qui les a piqués c’est un virus, leur explique-t-elle, et pas des moindres ...» «Ah !!!» font ils en chœur. «Le virus de la peur.» enchaîne la fée orange. David continue à écarquiller les yeux tandis que la nounou pense : «Ça alors, mais c’est le plus contagieux...» «Et où vont-ils ?» s’enquiert l’enfant qui a besoin de savoir. «Ils n’en savent rien, affirme la fée, ils fuient par peur d’être rattrapés par leurs propres peurs. Mais suivez-moi, le lieu que vous cherchez n’est plus très loin et nous sommes attendus.»

     Tenant fermement la main de son petit protégé dont la confiance n’a pas été ébranlée, la nounou porte son attention sur ce que sentent ses pieds, car si la jolie fée éclaire les arbres à la hauteur de
leurs yeux, le sol reste plongé dans l’obscurité. Plus ils s’approchent, plus elle perçoit les présences et le mouvement d’animaux convergeant vers un même lieu. Elle se sent portée par une énergie magnétique qui rend son corps plus léger et la met en contact avec une puissance qu’elle n’a jamais goûtée, une puissance plus vaste qu’elle. En pénétrant, éblouie, dans la vaste clairière, mystérieusement illuminée, son cœur se met à battre très fort au moment où son regard croise le regard argenté du grand Chevalier. Quand à David, ses yeux ne quittent pas l’épée plantée au milieu du cercle qui s’est formé dans la clairière avec tous les animaux, les oiseaux et les reptiles de la forêt ainsi que des fées, des farfadets, des ondines et divers élémentaux du règne végétal. L’enfant remarque que cette épée est bien étrange et aimerait la toucher. Pas question, l’informe à mi-voix la nounou dans le brouhaha ambiant, car c’est une épée de lumière.

     Lorsque s’élève la voix grave, chantante et chaleureuse du Chevalier, le silence se fait instantanément dans l’assistance. Immobiles, chacun et chacune à sa juste place, toutes et tous écoutent, totalement présents. Après un cordial mot de bienvenue, le Chevalier leur rappel que le but de cette réunion est à la fois de célébrer le retour de la lumière et d’envoyer en chœur une puissante énergie de guérison vers l’humanité souffrante et tout ce qui est malmené sur cette planète ; puis, il les invite à chanter tous ensemble, en chœur, sous sa guidance. Peu à peu, les voix si diverses s’harmonisent entre elles et la nounou sent sont cœur se gonfler, se dilater encore et encore. Elle réalise alors que la mystérieuse lumière de la clairière émane en fait des êtres assemblés dans la clairière et que celle-ci s’accroît de plus en plus tout en circulant de façon fluide dans le cercle. Cette énergie s’intensifie jusqu’à former un dôme de lumière dorée et très brillante enveloppant la congrégation dans le sentiment d’être un seul cœur ouvert, immense. Le petit David, bouche bée, garde les yeux rivés sur les fées qui se sont positionnées au sommet du dôme, à la verticale de l’épée, se tenant les mains de façon à former une étoile aux couleurs de l’arc-en-ciel avec leurs corps vibrants, jusqu’à ce que la densité lumineuse ait atteint son paroxysme. Alors, sur un signe du Chevalier les voix vont decrescendo et les fées ouvrent le dôme, laissant cette intense énergie d’Amour s’élever vers le velours bleu-nuit du firmament et se répandre sur toute la surface de la terre et bien au-delà.

     Toute la congrégation s’est assise, goûtant à la Paix dans un silence frémissant. La phrase d’un psaume traverse l’esprit de la nounou : Au pays du Seigneur, rien ne saurait me manquer. Ce qui jusque là n’était qu’un concept, devient une évidence, une réalité qu’elle goûte dans chaque fibre de son Être. Immergée dans son extase, elle s’aperçoit à peine que chaque membre de l’assemblée vient s’incliner, tour à tour, devant le Grand Chevalier en signe de gratitude et reçoit à la fois un cadeau, murmuré à son oreille, et une mission.

     Dans la clairière baignée d’une lueur nacrée, David et la nounou restent finalement seuls face au grand Chevalier. Main dans la main, leurs regards plongés dans son regard lumineux et bienveillant, ils se rapprochent lentement de l’Être solaire qui a guidé toute la cérémonie. Sans mots pour lui exprimer l’immense gratitude qui déborde de leurs cœurs, ils posent un genou en terre d’un commun accord et s’inclinent les mains jointes. Le Chevalier soulève alors l’enfant pour le prendre dans ses bras et la nounou se demande un instant s’il ne va pas l’emmener sur un destrier céleste. Mais non, il lui offre un câlin et son cadeau, un secret murmuré. Puis, il tend une main à la nounou, l’invitant à se dresser. «Et voici ton cadeau, lui murmure-t’il, tu es reçue ce jour comme aspirant chevalier dans l’Ordre de la Chevalerie du tout Amour. Comme tu le sais, le chevalier est au service. Je t’invite à poursuivre, avec une conscience accrue et un cœur ouvert, cette mission dans laquelle tu t’es déjà bien investie. A partir de maintenant, souviens-toi du soleil que tu es et rayonne ta chaleur et ta lumière sans rien attendre. Nous nous reverrons pour les étapes de ton initiation. Tu seras avertie en songe du lieu et du moment de nos rencontres.» Les yeux remplis de larmes de joie et de gratitude, la nounou embrasse le Chevalier et murmure à son tour : «C’est le plus beau cadeau qui puisse m’être offert. Merci du fond du cœur. Je me sens infiniment bénie.» Ils échangent un dernier regard, un dernier sourire plein de douceur tandis que le Chevalier saisit son épée de lumière, entre en fusion avec elle et disparaît dans un tourbillon pailleté d’or qui fait frémir toute la forêt.

     Au-dessus de leurs têtes, le ciel commence à virer à l’anthracite, premier signe d’une aube nouvelle. Le cri d’un faucon attire leur attention ; David et sa nounou suivent ce nouveau guide pour retourner vers la grande maison encore plongée dans le sommeil, grandis, connectés à la Vie et riches de l’Amour partagé.


Surya Baudet / 21.12.21