Le
regard de l'homme bleu l'avait cueillie au lever du soleil, revenant
d'une promenade photographique dans les dunes, aux multiples points
de vue sur les lumières de l'aube. Enturbanné dans son chèche, il
la contemplait, immobile, tandis qu'elle était subjuguée par et en
admiration devant ses yeux de lumière. Plongeant mutuellement dans
la profondeur du regard, ils se connectèrent de cœur à cœur.
La
beauté de l'homme du désert se dévoilait dans ce regard souligné
par la couleur bleue si particulière à son peuple. Leur
contemplation silencieuse avait quelque chose d'évanescent, comme si
l'invisible pouvait se donner à voir.
Le
seul arbre, un palmier, dressait sa verticale dans la vaste nature
des dunes. Jusqu'où s'enfonçaient ses racines pour qu'il puisse
ainsi s'élever vers le ciel? Aurait-elle perçu la présence du
petit peuple qu'elle aurait entendu les fées du désert converser
dans un bruissement au sujet de leur rencontre. Comme l'Homme Bleu en
face d'elle, le palmier gardait une forêt invisible disparue depuis
longtemps. La noblesse du nomade semblait révéler son origine
céleste comme celle de ces arbres qu'au Japon on appelle Kami. Elle
le voyait majestueux tout en se sentant frêle sous son regard
intense dont la puissance était semblable à un vent bouleversant.
Dans
le silence transparent des regards se révélait leur grandeur d'âme.
Bien au-delà du corps physique, l'illimité de l'Être se donnait le
droit de s'expandre jusqu'aux confins de la vastitude désertique.
L'intense vibration du vêtement indigo, irradiait vers elle, lui
communiquant une appartenance et une loyauté au peuple des nomades.
Dans sa posture se lisait une puissance vénérable venue du fond des
âges.
Instant
sacré, instant d'éternité, dans ce regard où convergent le divin
et le sensuel, dans lequel se touche le secret du Soi sans rien en
radier.
Surya
Baudet
Atelier d'écriture du 17.7.24