mardi 20 juin 2023

PASSAGERE DU VENT - Extraits




CONTER, ECRIRE
QUOI?
POURQUOI?
Ce ne sont pas mes études universitaires en faculté de Lettres qui m'ont donné envie d'écrire. Bien au contraire, mon expression très personnellle à été décriée par les pontes alors en place. Vous voyez, je n'entrais pas dans leur cases bien trop étriquées pour moi. Si j'en suis ravie aujourd'hui, cela m'a désespéré en son temps.
La première fois que m'est venue l'inspiration d'écrire, la jeune femme que j'étais alors traversait une crise majeure. "Autopsie d'une crise" est, cependant, un livre que je n'écrirai jamais, bien que le sujet ait guidé de profondes réflexions. Je préfère conter ce que cette crise a créé pour moi: le choix de réaliser mon rêve de partir explorer le vaste monde et de me connaître mieux moi-même.
L'élan d'écrire, de raconter a mis en mouvement plein d'idées, consciente alors que je vivais une transition. Transition vers quoi? Je n'en savais rien et était prête à tout. Je sentais confusément que l'époque où je mettais toute mon énergie dans les sports de montagne touchait à sa fin. J'ai eu l'envie d'écrire le témoignage de ces fantastiques aventures dans un livre intitulé "Vires de schistes et veine de quartz". Titre qui parlerait sans doutes aux grimpeurs mais pas vraiment à tout un chacun.
Je n'ai pas renoncé à ce projet. Il est en gestation et prend une autre couleur, celle d'un hommage à mon chéri et compagnon de cordée Claude Redard. Écrire pour célébrer les joies, les challenges, l'émerveillement et les épreuves qui m'ont permis de grandir.
Quand j'ai rédigé le premier jet de ce qui s'est manifesté sous la forme de mes deux livres, l'écriture avait, pour moi à ce moment-là, un rôle thérapeutique et était assez brouillonne. Au fil d'un mûrissement de plus de dix ans, j'en suis venue à écrire pour offrir mon émerveillement devant la beauté du monde et la magie de la vie. J'expérimente également le côté ludique de l'écriture dans des ateliers au cours desquels j'ai la joie de partager ce qui fleurit dans le moment.
Curieuse? Curieux?
Je réponds à vos question avec joie en commentaire ci-dessous, en message personnel ou à l'adresse mail suryadance@gmail.com

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Sur le site d'Ellora en Inde du Nord
"Arrivée à l’aube sur le site d’Ellora, profitant de la fraîcheur, mon regard balaie la longue butte rocheuse creusée à la main de dizaines de grottes. La tranquillité qui se dégage de l’endroit me procure un sentiment de paix. Je décide de commencer la visite à l’une des extrémités de l’enfilade de roches sculptées, planifiant de visiter toutes les cavernes une à une. Dans la première grotte, déserte, je respire sa fraîcheur et goûte son silence, son mystère qui éveille une attention plus fine et fait vibrer doucement mes cellules. Dans la pénombre, mes yeux se posent sur la statue d’un Bouddha, sculpté à même la pierre de la grotte. Après quelques instants, j’ai l’impression qu’elle est vivante, animée d’une douce et subtile vibration qui magnifie l’harmonie du visage que je contemple. Suspendue dans un temps hors du temps, la grotte elle-même semble imprégnée des méditations, chants et oraisons des ascètes qui l’occupèrent. Le silence résonne sans bruit. Cette perception, nouvelle pour moi, dégage un parfum d’étrangeté, bien plus troublant que de sentir, à l’occasion, la vibration atomique de la roche sous mes doigts, en escaladant des falaises."

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Om Beach, Inde du sud
Quelques heures de marche dans la douceur matinale m'ont conduite sur la colline qui surplombe Om Beach. Je contemple quelques instants la plage vide à l'élégante forme du symbole sacré, Om, dont je rejoins rapidement la branche centrale pour un bain de mer bienfaisant. Seules quelques vaches, ruminant à
l'ombre des palmiers, sont là pour observer mes faits et gestes. Peu inspirée par le chapitre entamé la veille dans le livre de Deepak Chopra The way of the Wizard, je passe directement au suivant qui traite du désir. L'auteur prétend que nous ne sommes jamais sans désir. Hors, juste à ce moment-là, aucun désir ne m'habite ; je me sens comblée par ce que la vie m'offre dans l'instant, sur cette belle plage déserte noyée de soleil et ourlée de vagues molles ; la solitude elle-même, si douloureuse par moment, est délicieuse. Du centre du cœur une petite voix murmure « Regarde plus profond !» Interrogation silencieuse… Le souvenir de Krishna Das Baba ressurgit des profondeurs oubliées, accompagné du désir de lui
exprimer ma gratitude et de le revoir. Sourire intérieur : où me mènera-t-il, ce désir ? La soif m'amène à explorer l'autre moitié du Om avec à la clé l'agréable surprise de retrouver, dans la chai shop où je me désaltère, un passager du train de Mumbai avec lequel j'avais sympathisé.
Dans l'après-midi, couchée sur la plage non loin de la chai shop, je suis des yeux le vol d'un superbe aigle se dirigeant vers l'intérieur des terres. La tête basculée vers l'arrière j'aperçois furtivement une silhouette étonnement familière qui me fait frémir, un saddhu, vêtu d'un lunghi orange vif, entrant dans une bananeraie. Krishna Das ? Est-ce possible ? Au moment où je pénètre à mon tour dans la plantation, parsemée de petites huttes d'adobe, il a disparu et l'Indien que j'interroge ne l'a pas vu. Ai-je rêvé ? Poursuivant jusqu'à la dernière hutte, je l'aperçois soudain, de dos. « Namaskar Krishna. » C'est magique, mon cœur se gonfle de bonheur, c'est bien lui, les yeux agrandis par la surprise à me demander :
« Mais que fais-tu là ? ». Je réponds : « Je t'ai cherché et suis venue pour te remercier de m'avoir ouvert la voie de l'Inde mystique. » Nous sommes l'un et l'autre trop bouleversés pour parler ; la préparation d'un chai sur un réchaud à kérosène se fait en silence, sous les palmiers qui laissent filtrer les rayons obliques
du soleil dans lesquels dansent des particules de poussière. L'arrivée d'hôtes improvisés ne nous laisse pas le loisir d'aborder le sujet qui nous tient à cœur jusqu'à leur départ au coucher du soleil. Avec une complicité retrouvée, Krishna Das m'entraîne sur la plage et veut tout savoir sur mes aventures indiennes,
spécialement le pèlerinage d'Amarnath. Je sens mon ami très ému par mon récit que j'entrecoupe de silences pour lui laisser le temps de vivre l'émotion. Les yeux posés sur l'astre du jour peu à peu englouti par les flots, Krishna Das m'enjoint de rallier Kudle beach avant la nuit et m'invite à le retrouver le lendemain matin pour
me faire découvrir une plage lointaine.
Transfigurée par les retrouvailles, je passe la nuit éveillée sur mon matelas de paille de riz à savourer le bonheur indicible, extatique, d'avoir retrouvé Krishna Das Baba, le cœur gonflé d'amour.

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Song, sur l'île de Bornéo en Malaisie
Au marché de Song où je découvre en flânant toutes sortes de denrées régionales, dont de jeunes fougères comestibles encore toutes enroulées, je fais connaissance avec quatre hommes ibans qui vivent justement dans ces longues maisons. Comme je montre de l’intérêt pour leur peuple et bien que nous n’ayons pas de langue commune, ils m’invitent par gestes à les accompagner dans leur « village ». J’achète des légumes et autres provisions comme cadeaux à la communauté. Ils me font comprendre qu’ils désirent aussi de l’alcool, alors j’en acquière un peu et nous voilà partis sur leur longue pirogue de bois à moteur direction la jungle. En voyant disparaître Song mon ventre se serre, me voici hors de ma zone de confort, emportant mon seul sac à main. En même temps l’aventurière en moi exulte à la perspective de s’enfoncer avec ces inconnus dans cette jungle touffue, un monde qui m’est totalement étranger et dans lequel j’aurais bien de la peine à me repérer. Personne de ma famille ni de mes amis ne sait que je suis ici. La dernière fois que j’ai communiqué avec eux j’étais à Bali. Alors, s’il m’arrive une bricole, je n’ai que moi-même sur qui compter. En effet, contrairement aux exploratrices et explorateurs modernes, je ne suis équipée ni d’un téléphone satellite pour appeler du secours en cas de nécessité, ni d’un système GPS permettant à une équipe en Suisse de suivre heure par heure ma progression. C’est de l’aventure pure, sans exploit physique, certes, mais qui demande à la fois une certaine audace, une force d’âme, du lâcher-prise et de l’adaptabilité. Une façon de faire peu valorisée dans la société moderne basée sur la compétitivité. Mon intuition me dit que je peux faire confiance à ces gens, tout en étant consciente des dangers que je cours. Une étrangère voyageant seule est une proie facile. Pourtant je n’ai peur ni du viol, ni d’être détroussée.


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